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Les ressources informatiques du CERN et des expériences LHC à l'assaut du COVID-19

Avec le temps, la communauté s'organise. Des solutions et des collaborations nouvelles sont mises en place pour s'attaquer au COVID-19.

31 juil 2020

CAFEIN, the Computer-Aided deFEcts detection, IdeNtification and classification research project, benefited from early financing from the CERN Medical Applications budget. It has the potential to support doctors in decision-making regarding the best therapeutic procedure to follow for both brain lesions and COVID-19 treatment.

 

Le CERN est au cœur d'un réseau qui rassemble de très nombreuses ressources informatiques et collaborations à l’échelle mondiale. Il représente ainsi un atout considérable dans la lutte contre la pandémie de COVID-19. Les applications possibles de ses travaux sont multiples : appui à la recherche thérapeutique et à la recherche d'un vaccin, déploiement de la plateforme de partage de données Zenodo, accès à des outils pédagogiques en ligne, ou encore modélisation de l'épidémie.

Dans un premier temps, la communauté de la physique des particules a mobilisé son énorme puissance de calcul en utilisant des processeurs des centres de données du CERN, des expériences LHC et de la Grille de calcul mondiale pour le LHC pour soutenir des initiatives informatiques lancées par des bénévoles, telles que Rosetta@home et Folding@home, lesquelles modélisent la dynamique moléculaire des protéines afin de mieux comprendre le virus SARS-CoV-2. La pandémie s'aggravant, ces projets informatiques décentralisés ont rapidement attiré de nouveaux participants. La capacité totale de traitement mobilisée par ces initiatives a fini par atteindre plusieurs exaFLOPS, ce qui est une première mondiale. Dans un environnement aussi collaboratif, le CERN et la communauté de la physique des particules ont compris qu'ils devaient passer progressivement d’une mise à disposition ponctuelle des cœurs de processeurs au service de ces initiatives à une contribution plus ciblée grâce à leur expertise en matière de gestion et d'analyse des données et à leurs ressources logicielles.

Les technologies open source, essentielles à la gestion des données dans le domaine de la physique des particules, sont également tout indiquées dans l'optimisation du transfert et de la gestion des données issues de la recherche sur le COVID-19. Parmi ces technologies figurent notamment FTS, le système de transfert de fichiers conçu par le CERN, et Rucio, le système de gestion de données scientifiques initialement mis au point par et pour l'expérience ATLAS, et adopté aujourd’hui par de nombreuses communautés scientifiques. Elles ont été adaptées avec succès aux besoins du projet Folding@home. Celui-ci, dans un article récemment publié, a remercié le CERN et la communauté de la physique des particules pour leur collaboration en matière de gestion des données.

Ces derniers mois, Zenodo, le système d'archivage de données ouvertes, conçu par le CERN avec le cofinancement de la Commission européenne et accessible à tous les scientifiques, en soutien à la science ouverte, a été renforcé. Il est doté désormais d'une plus grande capacité de stockage et bénéficie de l'appui d'une communauté se consacrant à la recherche sur le COVID-19. À ce jour, des architectures populaires d’exécution d’analyse de données, telles que Binder, prennent en charge près d'un millier de flux de données différents sur la base des données stockées sur Zenodo. Les projets de recherche et les ensembles de données publiés sur Zenodo concernent des domaines divers. Ils vont de la recherche médicale, notamment les données relatives aux infections pulmonaires, à la virologie, y compris les données brutes de diffraction de la structure du SARS-CoV-2, en passant par des études évaluant l'impact économique et démographique de la pandémie de COVID-19. 

Dans le cadre de la pandémie, les ressources informatiques du CERN sont aussi mises au service de l'enseignement à distance, avec le projet Open Up2U, coordonné par GÉANT, partenariat européen de réseaux nationaux de recherche et d'éducation. Le CERN contribue à ce projet par l'intermédiaire de deux services reposant sur ses technologies SWANCERNBox et EOS. Des établissements situés dans 21 pays ont fait savoir qu'ils envisagent de recourir à ces outils lors de la prochaine année scolaire.

Par l'intermédiaire d'un partenariat public-privé, CERN openlab, le CERN participe aussi à différents projets, dont les résultats et les modèles sont adaptés de manière à soutenir la lutte contre la pandémie de COVID-19. Grâce à Circular Health, projet international lancé par le One Health Center of Excellence de l'Université de Floride, le CERN travaille avec le Centre for Research on Health and Social Care Management (CERGAS), de l'Université Bocconi de Milan, afin d'assurer la publication de données en libre accès sur Zenodo et l'analyse de données épidémiologiques, démographiques et environnementales visant à rechercher des corrélations possibles entre la propagation du COVID-19 et ses effets, d'une part, et des facteurs tels que l'âge, le sexe, la comorbidité et la pollution de l'air, d'autre part.

CERN openlab, l’University College de Londres (UCL) et l’Istituto Italiano di Techologia (IIT) collaborent à l'un des projets en cours de CompBioMed, le centre d'excellence financé au titre du programme H2020 de la Commission européenne, qui axe ses recherches sur l'utilisation et le développement de méthodes de calcul à des fins biomédicales. Ce projet vise à accélérer la mise au point d'antiviraux en s'appuyant sur la modélisation de la dynamique moléculaire des protéines, lesquelles jouent un rôle fondamental dans le cycle de vie du virus. Ces modélisations apportent des informations essentielles à la découverte d'un traitement du COVID-19. Les chercheurs étudient la possibilité de recourir aux réseaux neuronaux profonds. Ils envisagent d'appliquer les conclusions des travaux menés récemment au CERN aux modèles génératifs profonds (réseaux antagonistes génératifs, en anglais Generative-Adversarial Networks, ou GAN), utilisés pour la simulation rapide du transport du rayonnement dans les calorimètres.

BioDynaMo est une plateforme de simulation de systèmes biologiques qui s'appuie sur un moteur basé sur l'agent novateur, financé sur le budget du CERN pour les applications médicales et conçu par des scientifiques de CERN openlab, de l'Université de Newcastle et d'autres instituts. Il a été créé à l'origine pour modéliser la croissance des structures cellulaires dans certaines conditions environnementales, par exemple pour comprendre la croissance des tumeurs ou effectuer des essais de traitement in silico. Par ailleurs, BioDynaMo s'est avéré efficace pour la modélisation d'autres types de systèmes dynamiques, tels que la propagation d'un virus. L'équipe BioDynaMo de CERN openlab s'est associée au Global Health Institute de l'Université de Genève pour implémenter un modèle localisé de propagation du COVID-19 au moyen du modélisateur BioDynaMo. Le Nuage européen pour la science ouverte (EOSC) a récemment attribué une bourse à l'équipe pour qu'elle puisse développer ce modèle.

Le budget du CERN consacré aux applications médicales et le financement initial ont permis non seulement de mener à bien le projet BioDynaMO mais aussi de soutenir deux autres initiatives utiles à la société au sens large : les projets de recherche CAFEIN et MARCHESE. Le projet de recherche CAFEIN, ou Computer-Aided deFEcts detection, IdeNtification and classificatioN, a pu être lancé grâce au financement du travail d’un doctorant. À l'origine, il visait à aider les cliniciens à pronostiquer et à prévenir les lésions cérébrales et à proposer des thérapies personnalisées, fondées sur un diagnostic et un traitement axés sur le patient. Au vu de l'évolution de la pandémie, il a été décidé d'utiliser également CAFEIN pour diagnostiquer la pneumonie due au COVID-19 et d'éviter les confusions avec d'autres pneumonies d'origine virale ou bactérienne.

Pour donner un nouvel élan au projet, le département Ingénierie et le groupe Transfert de connaissances du CERN ont soumis en juin dernier une demande de financement dans le cadre d’Horizon 2020, le programme-cadre de l'Union européenne pour la recherche et l'innovation, au titre de « la transformation numérique des services de santé et de soins ». Si le projet est sélectionné, des données et des images complètement anonymisées seront recueillies auprès de l’Université nationale et capodistrienne d'Athènes, de l'Université Masaryk de Brno, de l'Association pour la recherche et le développement des méthodes et processus industriels de Paris, et de l’École polytechnique de Milan, avec l'appui de la start-up ARAMIS, qui contribuerait à tester et à valider la robustesse et l'adaptabilité de la plateforme.

Fondé sur l'analyse de données et l’intelligence artificielle, ce projet de recherche pourrait aider les médecins à décider du meilleur traitement applicable dans les cas de lésions cérébrales ou de COVID-19. Grâce à sa polyvalence, CAFEIN pourrait contribuer au traitement d'autres maladies à l'avenir.

MARCHESE (Machine leArning based human ReCognition and HEalth monitoring SystEm) est le troisième projet de recherche qui bénéficie d'un financement initial sur le budget du CERN destiné aux applications médicales. Le projet Marchese est désormais le pivot de la collaboration entre la digital Experimental Cancer Medicine Team (digitalECMT)de l'Université de Manchester et le groupe Topométrie, mécatronique et mesures (SMM) du département Ingénierie du CERN. Ensemble, les équipes œuvrent à l'application du savoir-faire du CERN en matière d'apprentissage automatique pour la robotique, au service de la lutte contre le cancer. Dans le contexte de la pandémie de COVID-19, digitalECMT a adapté ses systèmes et entamé une collaboration avec l'hôpital universitaire de Southampton pour aider ses équipes à recueillir et à analyser des données cliniques, scientifiques et de laboratoire essentielles.

Le groupe SMM contribuera à la conception d'algorithmes prédictifs reposant sur l'intelligence artificielle. Associés à une analyse en temps réel des données issues des essais cliniques, ces algorithmes permettront d'identifier les patients à risque et de retenir les nouveaux traitements les plus efficaces afin d'obtenir de meilleurs résultats cliniques. Une proposition de bourse a été présentée au Innovation Funding Service, qui dépend de l'agence britannique de financement de l'innovation (UK Research and Innovation, UKRI).

Dans tous ces projets, le CERN est en contact étroit avec la communauté médicale, s'appuyant, par exemple, sur l'accord de collaboration entre le CERN et l'Organisation mondiale de la santé.